L’exhumation de mon père eut lieu le 5 juin
1942 dans le cimetière de CHAVIGNON.
Ma mère identifia formellement le corps de son mari et elle reconnut même les
chaussettes de laine qu’elle avait tricotées et le gilet de corps en flanelle
qu’elle avait fait avant que mon père ne parte à la guerre.
Ma mère rentra à Annecy et essaya avec
beaucoup de difficultés de relancer la petite imprimerie que mon père avait
créée quelques mois avant de partir au front dans un hangar de mes
grands-parents.
Comme nous le verrons dans un
prochain chapitre, cet atelier servira par la suite à
imprimer clandestinement pour le maquis des Glières et ce fut la fierté de ma
mère et de ma grand-mère.
La santé de ma mère se dégrada rapidement,
elle ne se remit jamais de cette terrible épreuve ; elle mourut en 1961 à
52 ans, minée par le chagrin et la maladie.
Après la libération, ma mère nous emmena mon
frère et moi en pèlerinage à CHAVIGNON. J’étais jeune enfant mais je me souviens
bien de l’arrivée dans la gare de Laon. On aurait dit un champ de ruines. Je fus
très impressionné par les verrières cassées.
A CHAVIGNON nous fûmes accueillis dans une
famille que je ne connais pas et que je remercie maintenant. On nous conduisit
dans les bois à l’endroit où fut retrouvé le corps de mon père.
Je me rappelle très bien des nombreux câbles
téléphoniques qui sortaient du sol et enjambaient les arbres.
Le corps de mon père resta dans le cimetière
de CHAVIGNON jusqu’en juillet 1948 date à laquelle il fut transféré dans le
carré militaire d’Annecy.
Durant toute cette période des gens dévoués
continuèrent d’entretenir les tombes et j’ai retrouvé un billet difficilement
lisible sur lequel ma mère a griffonné des noms :
* Dufour – Chery ; Beaurain ; etc.
Le temps est passé et la plupart des témoins
de cette époque sont décédés mais nous n'oublions pas.
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